Pain, farines, huiles, pâtes, biscuits et même viande… les prix ne cessent de grimper. Après l’envolée des cours du pétrole et de l’énergie, c’est au tour des denrées alimentaires de battre des
records.
Depuis 2007 et la crise des subprimes, on spécule sur blé, maïs, riz, colza, orge et soja. Toute la base de notre alimentation est devenue un
produit financier comme un autre.
Mais ce n’est pas tout, désormais l’alimentation mondiale est aux seules mains de quelques multinationales. Elles imposent un modèle d’agriculture industriel, où les fermiers sont devenus les
ouvriers de l’agro-business. Elles aussi participent à la flambée des prix et à la disparition d’une agriculture locale.
Près d’un milliard d’êtres humains souffrent de la faim, et pourtant toutes les denrées alimentaires ne sont pas forcément destinées à remplir des estomacs.
Une bonne partie des récoltes — blé, maïs, colza, soja, sucre — finissent dans le réservoir de nos voitures. Le meilleur exemple : 40 % du maïs nord-américain sert à fabriquer des
agro-carburants !
Les investisseurs et les géants de l’agroalimentaire se sont lancés dans une course effrénée pour cultiver les millions d’hectares à travers le monde, afin de faire main basse sur les meilleures
terres , en Afrique ou en Amérique du Sud.
Avant la colonisation la terre était gérée par les Lamanes (chefs de la terre) de manière communautaire et chacun avait droit à un lopin de terre. La répartition des terres était gouvernée par les principes de justice et d’équité.
A la colonisation, les colons ont introduit le régime de l’immatriculation; comme peu de terres étaient immatriculées, ils ont fait main basse sur presque tout le territoire sénégalais par un procédé très simple : convoquer les populations et demander que le propriétaire d’une parcelle se fasse connaître avec preuve à l’appui. Plusieurs personnes se déclaraient propriétaires sans titres ou personne ne se déclarait. Dans les deux cas l’administration coloniale s’appropriait la terre en excluant les populations de sa gestion.
Après la colonisation, l’Etat indépendant a jugé nécessaire de faire coexister le régime foncier traditionnel au sein duquel la terre est un bien inaliénable et collectif et le régime d'appropriation individuelle et de propriété privée introduit par les autorités coloniales.
C’est la fameuse Loi fondatrice sur le domaine national qui a pour objectif de garantir aux masses rurales l'accès à la terre, abolissant toute forme de propriété privée ,et 97 % du
territoire sénégalais fût déclaré "domaine national".
Lorsqu’il reprit les pouvoirs des autorités coutumières en matière foncière, l’Etat sénégalais indépendant devint le "seigneur de la terre", le Lamane détenteur et non propriétaire du sol, alliant tradition communautaire et principes du socialisme africain.
C’est en cela que ce projet de Loi nous ramène 150 ans en arrière parce qu’il réintroduit au profit de l’Etat Wadien le droit qui était celui de l’état colonial d’immatriculer toute portion du domaine national, public ou étatique sur réquisition.
Si nous laissons faire, les meilleures terres du Sénégal seront livrées à la spéculation et seront vendues à des puissances étrangères.
Considérant les constructions illégales sur le domaine public maritime,
Considérant le partage et l’appropriation par un clan des terres urbaines et rurales par des procédés plus que douteux,
Considérant la spéculation foncière effrénée que connaît actuellement le pays,
Considérant le nombre de décrets de désaffectation et d’immatriculation au nom de l’Etat de vastes portions du domaine national pris au profit de privés, nous pouvons craindre le pire pour le foncier sénégalais lorsque ce projet deviendra loi.
REFUSONS CELA CAR LA TERRE DU SENEGAL APPARTIENT A TOUS
MEMORANDUM DU PIT SUR LA REFORME FONCIERE AU SENEGAL : Les tenants et aboutissants du Projet de loi 12/2010 portant «régime de la propriété foncière» au Sénégal. Oumar Ndiaye
Le projet de Loi 12/2010, portant « régime de la propriété foncière », exprime une véritable volonté politique :
I) Le dessaisissement de l’Assemblée nationale et du Conseil rural
La procédure est réglée par les quatre premiers (4) Articles du Titre Premier du projet de Loi 12 /2010, qui porte « organisation du régime foncier »
au terme desquels , seul l’Etat peut ‘’requérir’’ à l’immatriculation pour ‘’obtenir’’ la « publication de ses Droits réels », que le Conservateur’’ garantit’’.
Ainsi, l’Etat, par une simple réquisition, sans autres formalités préalables, sans chercher l’autorisation auprès de l’Assemblée nationale, « peut acquérir tous les immeubles publics visés par l’article 27 du Code du Domaine de l’Etat’’, et les verser dans son Domaine privé.Tous les immeubles bâtis, qui relèvent du Domaine public, pourront être directement aliénés pour les céder à toute personne physique ou morale, suite à une simple réquisition adressée au « conservateur ».
Ainsi, les immeubles bâtis, déjà cédés par l’Etat à des privés, sans autorisation de l’Assemblée nationale, seront ‘’ légalisés’’, tandis que le reste du Domaine public fera l’objet sous l’égide de l’Etat, d’une spéculation immobilière sans précédent.
l’Etat peut, immatriculer directement, en son nom, tous les terrains bâtis ou non, pour les reverser dans le Domaine privé de l’Etat, et les vendre au privé.
Pour ce qui est des terres des ‘’zones de terroir ’’, qui relèvent des Communautés rurales, l’Etat peut directement les immatriculer à son nom . Il ne passe plus par le Conseil rural, après avoir, au préalable, pris un « Décret de Déclaration d’Utilité publique ».
l’Autorité administrative, peut passer outre l’opposition du « Conservateur », en vertu de l’article 37, alinéa 2 du projet de Loi 12/2010.qui stipule que cette présente Loi « supprime l’opposition à immatriculation ».
Les ‘’récalcitrants’’ s’exposeront aux « peines prévues dans le Code pénal sans préjudice des dommages intérêts », en vertu de l’article 90 du projet de Loi,
Ainsi, tous les paysans, ou toutes les collectivités locales, qui refusent encore aujourd’hui de céder leurs terres à l’Etat, risquent, avec l’adoption de cette Loi, de tomber sous le coup de poursuites judiciaires.
II) La confiscation des meilleures terres.
Les ‘’ zones d’aménagements spéciaux’’ considérées dans le projet de Loi, comme ‘’zones d’investissements intensifs’’ verront leur gestion retirée aux Conseils ruraux, pour tomber dans celle de l’Etat, qui peut les céder ainsi aux investisseurs privés,pour promouvoir, dans de vastes domaines, une Agriculture d’exportation et de production de biocarburant
Ces terres concernent :
le Fleuve Sénégal, dont le potentiel est de 228.000 hectares (ha), avec 75.000 ha aménagés et 45.000 ha seulement cultivés ;
la Vallée du Fleuve Casamance, dont le potentiel est de 70.000 ha irrigables, avec 15.000 ha aménagés et 9.000 ha seulement cultivés ;
la Vallée de l’Anambé, dont le potentiel est de 8000 ha irrigables avec 600ha aménagés et 300 ha seulement cultivés
les terres cultivables au Sénégal, en zone pluviale, 3.800.000 ha, dont 2.500.000 ha cultivés en moyenne, laissant une réserve foncière de 1.300.000 ha sous la gestion des conseils ruraux, confisquable par l'Etat.
Déjà, un investisseur étranger est en train d’expérimenter une production de ‘’jatropha’’ ( Tabanani) dans la Vallée de l’ANAMBE, pour produire du biocarburant avec l’intention de s’accaparer de toutes les terres irrigables.
De même, le Président Wade a déjà cédé, par anticipation à l’adoption du projet de Loi, 600 000 hectares des 1.300.000 hectares de réserves foncières en terre pluviale, à dix sept privés , dont sept étrangers !
III) L’expropriation des terres paysannes.
Avec l’adoption de ce projet de Loi, le « Droit d’usage » concédé, par la « Loi sur le Domaine national » aux agriculteurs résidant dans une Communauté rurale, va être vidé de tout contenu protecteur pour son titulaire.
Car, contrairement à une ‘’idée reçue’’, le « Droit d’Usage » n’est pas un « Droit précaire », mais un « Droit à durée indéterminée » selon l’article 19 du Décret 64 573 du 30/07/1964, et l’article 3 du Décret 72. 1288 de 1972.
Mieux, le « Droit d’Usage » est « transmissible aux héritiers » du titulaire en cas de décès, selon les articles 22 et 6 des deux Décrets précités !
Par contre, ce que le « Droit d’Usage » n’autorise pas, c’est sa vente ou sa mise en gage pour servir de « garantie » en vu d’obtention d’un crédit.
Même le projet de Loi ne reconnaît pas ce pouvoir au titulaire du « Droit d’Usage », dans la mesure où il ne reconnaît le pouvoir de vendre ou de mettre en gage une terre, qu’aux détenteurs de « Droits réels », qui ne peuvent l’être que par recours à « l’immatriculation », exclusivement réservé à l’Etat !
Mais, par dérogation à ce monopole exclusif de l’Etat, le projet de Loi, en son article 35, a accordé, au ‘’ Créancier’’, le pouvoir d’immatriculer en son nom propre, les titres détenus par son ‘’Débiteur’’.
Seul l’Etat, le détenteur de titres fonciers et le créancier pourront vendre ou mettre en gage leur « Droits fonciers », et non le titulaire du « Droit d’usage ».
Ce projet de Loi ne « privatise » donc pas la terre des zones de terroir par la transformation du « Droit d’Usage » en « Titres fonciers privés », mais, da « étatise » les terres à travers leur « immatriculation au nom de l’Etat », pour lui permettre de les céder aux privés les plus offrants.
Ce projet de Loi « d’étatisation de la terre » souleverait l’ire des Institutions de Bretton Woods, si le but était de la redistribuer en priorité et gratuitement aux paysans sans terre, ou exclus de la modernisation de leurs exploitations agricoles pour insuffisance de terre, qui constituent 56,7 % de chefs de ménages soit 56,6 % des ménages ruraux en dessous du seuil de pauvreté.
Mais, puisque l’objectif de ce projet de Loi est de libérer la terre et de créer un marché de main d’œuvre rural dont les grandes puissances ont besoin pour leur firmes transnationales dans l’Agrobusiness, ces Institutions félicitent le pouvoir Wadien, d’accomplir ce que, durant 20 ans d’Ajustement structurel, elles n’ont pu imposer au pouvoir des Socialistes sous Abdou Diouf.
La spéculation foncière régentera le marché foncier sur les terres agricoles du Sénégal et sera le moteur de l’expropriation des petits agriculteurs, pour donner le marché de main d’œuvre nécessaire au développement de l’Agrobusiness.
C’est à un monde rural où sévit une réelle ‘’faim de terre’’, que M.Wade ôte l’espoir de sortir de la pauvreté par l’exercice de la seule profession qu’elle maîtrise en préservant sa dignité, la « profession d’agriculteur » , pourtant reconnue comme telle par la Loi d’Orientation Agro- Sylvo - Pastorale depuis 2004.
Avec Planète à vendre, Alexis Marant a mené l’enquête sur trois continents pour comprendre comment "un nouvel ordre agricole international" se construit à marche forcée.
le groupe sud-coréen Daewoo venait d’acquérir pour quatre-vingt-dix-neuf ans la jouissance de 1,3 million d’hectares à Madagascar, soit la moitié des terres arables de l’île. Une révélation qui a entraîné une révolte populaire et, après beaucoup de morts, la chute du président Ravalomanana. L’exemple illustre un mouvement mondial : la ruée des investisseurs sur les terres cultivables des pays pauvres. Un nouvel ordre agricole international est en train de se forger : l’agro-business des pays riches et émergents, avec ses monocultures, ses pesticides et ses OGM, prend la place des petits paysans. L’objectif proclamé, c’est de nourrir la planète, qui compte chaque année 79 millions d’habitants de plus, mais aussi de spéculer sur une valeur appelée à devenir ultrarentable. C’est pourquoi, à la suite des États, les fonds de pension et les banques se lancent dans ce grand jeu de Monopoly.