Ils vous affament déjà en volant vos poissons

Pêche intensive : comment l’Europe affame l’Afrique

Par Eros Sana (23 mars 2011)

Surexploitation maritime, pêche illicite ou sous pavillon de complaisance, accords internationaux iniques… Les ressources de l’Afrique attirent, une fois de plus, l’Europe prédatrice. Résultat : le poisson se fait rare et les pêcheurs sénégalais doivent s’aventurer de plus en plus loin des côtes. Et à défaut de nourrir les populations locales, les poissons d’Afrique viendront garnir les assiettes des Européens.

À proximité de Dakar, la plage de Hann est déserte. Il est un peu plus de 16 heures. À cette heure, la plage devrait grouiller d’une intense activité, avec les pirogues des pêcheurs de nuit et celles des pêcheurs de jour qui viennent décharger leur cargaison. Mais le poisson se fait de plus en plus rare. Une dure réalité qui frappe les 60.000 pêcheurs artisanaux du Sénégal. Ceux qui devaient partir à 18 heures pêcher toute la nuit sont partis beaucoup plus tôt. Et les pêcheurs de jour, partis à 6 ou 8 heures du matin, retardent leur retour. Ils vont plus loin en mer, et restent plus longtemps sur l’eau.

L’une des rares pirogues de retour à cette heure-là est celle d’Alpha Dieng. Pêcheur depuis 12 ans, il commande une petite pirogue de 13 mètres de long. Avec ses deux compagnons de pêche, ils paient une licence annuelle de 25.000 francs CFA (environ 32 euros). Partis à 6 heures ce matin, Alpha Dieng et ses collègues sont fatigués. Ils présentent leur prise du jour : des poissons qui ne remplissent pas un petit seau blanc. « À peine 5.000 francs CFA (environ 7,50 euros), explique Alpha Dieng en wolof. Même pas de quoi payer les frais d’essence du moteur aujourd’hui. »

Un poisson trop cher pour les Sénégalais

Les captures se font rares pour tous. Depuis 2003, la pêche maritime au Sénégal enregistre une baisse de 16 % des captures, ce qui a des conséquences désastreuses pour les Sénégalais. L’activité de pêche génère plus de 600.000 emplois directs et indirects, occupés pour les 2/3 par des femmes. Presque deux millions de personnes dépendent de la pêche, qui est aussi le premier secteur d’exportation (30%). La baisse des captures met en péril la sécurité alimentaire du pays. Plus de 75% des apports nutritionnels en protéines d’origine animale proviennent du poisson. Dans les quartiers pauvres de Dakar comme Pikine et Guédiawaye ou de « classes moyennes » comme Sicap, il n’est pas rare d’entendre que le tieboudiene et le thiof, les deux plats nationaux à base de mérou ou de capitaine, sont désormais hors de prix pour les habitants.

Avec ses 700 km de côtes, le Sénégal est pourtant riche d’importantes ressources halieutiques : thons, espadons, voiliers, sardinelles, chinchards, maquereaux, crevettes et merlus, dorades, mérous, crevettes blanches ou céphalopodes… Mais à l’instar de pays africains dont les richesses en diamants, pétrole, gaz, terres arables, donnent lieu aux pires pratiques de prédation, cette richesse a, elle aussi, attisé les convoitises.

L’Afrique nourrit l’Europe en poissons

Pillé depuis des décennies par des flottes étrangères – espagnoles, françaises, italiennes, russes, japonaises, coréennes, chinoises ou taïwanaises – le « grenier à poissons » de l’Afrique et du Sénégal se vide de sa substance… Et ce, au prix d’une concurrence déloyale : quand les pêcheurs artisanaux sénégalais ne peuvent rester que quelques heures en mer, les campagnes de pêche des navires étrangers durent deux à trois mois. Le chalutage – qui consiste à racler les faible, moyenne et grande profondeurs des mers (jusqu’à 1.000 m) – entraîne la raréfaction des espèces de poissons et la destruction des environnements marins. Un désastre écologique.

À bord des « navires-usines » sont traitées, conditionnées puis congelées, d’énormes quantités de poissons, rapidement expédiés dans les assiettes européennes, coréennes ou chinoises. Près de 70% des produits de la pêche du Sénégal sont expédiés vers l’Europe. Celle-ci importe (tous pays confondus) pour 15,5 milliards d’euros de poisson [1]. « L’Afrique nourrit l’Europe ! », s’indigne Mamadou Diop Thioune, président du Forum des organisations de la pêche artisanale. « C’est un système de vol organisé du poisson en Afrique, à destination de l’Europe et d’autres pays. » De nombreux acteurs de la pêche au Sénégal, révoltés, se mobilisent pour ne pas rester avec une « arête en travers de la gorge » et tentent de s’opposer à ce système.

L’impuissance du Sénégal face à la pêche pirate

Le fléau de la pêche illégale frappe aussi le Sénégal. « Ce sont les pêches INN : illicites, non déclarées et non règlementées. » Comme beaucoup de pays africains, l’État sénégalais dispose de très peu de moyens techniques pour contrôler et arraisonner les bateaux étrangers. Parfois dotés des plus récentes avancées technologiques, ceux-ci peuvent braconner en haute mer presque en toute impunité. Ces derniers mois, les contrôleurs ont été mobilisés par des bateaux battant pavillon russe, géorgien et ukrainien, que la marine sénégalaise n’arrivait pas à chasser durablement de ses eaux territoriales.

À l’impuissance du Sénégal s’ajoutent les insuffisances de l’Union européenne et des autres pays du Nord : excepté la mise en œuvre d’une liste noire d’armateurs, rien n’est fait pour assurer une meilleure traçabilité des poissons débarqués dans les ports occidentaux, qui ne disposent pas toujours de déclaration légale de capture.

Le piège des accords de pêche

Les pirates ne sont pas les seuls responsables de la surpêche. Des Accords de partenariat de pêche (APP) permettent à des flottes entières de bateaux européens, russes, chinois de venir légalement surexploiter les ressources halieutiques de la Mauritanie, du Maroc, de la Guinée ou du Sénégal. Au sortir de la colonisation, les États d’Afrique ont investi dans le développement d’une industrie de pêche nationale, plutôt que d’opter pour un soutien massif à la pêche artisanale. Mais les flottilles industrielles sont coûteuses. À la fin des années 1970, le secteur de la pêche n’échappe pas aux effets dévastateurs des programmes d’ajustements structurels néolibéraux, imposés par les institutions financières internationales. Des programmes qui déséquilibrent profondément la filière : les États africains – dont les besoins en devises augmentent – privilégieront dès lors les exportations, au détriment de la consommation locale, et la signature d’accords de pêche avec compensation financière.

Depuis les puissances maritimes tirent un maximum de profit de cette situation. Notamment l’Union européenne qui, depuis 1979, a conclu près de 17 accords de pêche avec le Sénégal. L’accès aux eaux africaines, extrêmement poissonneuses, est un enjeu stratégique primordial pour l’Europe. La Politique commune de la pêche (PCP) européenne limite les captures dans les eaux européennes pour préserver la ressource. Les accords de pêche constituent pour l’Union européenne un moyen de redéployer une partie de sa « surcapacité de pêche », tout en diminuant la pression de la surexploitation de ses propres eaux.

Transfert de la surpêche de l’Europe vers l’Afrique

Formellement les accords de pêche entre « les nations en eaux lointaines et les pays côtiers » sont fondés sur le principe de complémentarité : la surcapacité dans le Nord et l’abondance dans le Sud permettront un accès privilégié des navires des premiers dans les eaux des seconds. Il s’agit de prélever le « reliquat » disponible, seulement après une évaluation scientifique précise des ressources. Les pays du Nord paient une contrepartie financière annuelle, qui s’élevait par exemple à la fin des années 90 à 150 millions d’euros pour l’accord entre Europe et États de l’Afrique de l’Ouest.

Mais les autorités sénégalaises ne disposent pas de moyens conséquents pour effectuer une évaluation efficace des stocks de ressources halieutiques. Cela nécessiterait aussi un meilleur contrôle des capacités de capture réelles des navires étrangers et nationaux. Des experts internationaux dénoncent l’obsolescence du mode de calcul – en tonnes de jauge brute ou TJB –, qui ignore totalement l’incroyable progression des moyens électroniques de détection à bord des navires d’aujourd’hui. « La véritable raison des accords tient simplement à leur forte valeur marchande » affirment Karim Dahou, chargé de prospective pour l’ONG Enda Tiers-Monde, et Moustapha Deme, membre du Centre de recherches océanographiques de Dakar-Thiaroye. Les flottes européennes se déplacent dans les eaux africaines pour capturer avant tout les espèces les plus rentables sur les marchés – tant financiers qu’à la criée – du Nord [2]. C’est donc un modèle de pêche aux gros sous que promeut l’Europe à travers les APP.

Pour un euro versé, l’Europe en récupère trois

Dans le cas du Sénégal, l’ONG Coalition pour des accords de pêche équitables soutient que « si la compensation financière versée par l’UE est importante, elle ne représente qu’une petite partie de la valeur des ressources pêchées. Ainsi, un euro dépensé par l’UE pour la signature d’accords de pêche, en rapporte trois ou quatre au niveau européen. » « Les accords n’ont jamais eu d’effet positif social et économique », affirme Mamadou Diop Thioune. « Les gouvernements et les gouvernants se sont enrichis sur la misère des peuples en accompagnant sans conscience cet effondrement des stocks. Les accords sont signés au détriment des consommateurs des pays du Tiers monde qui ne peuvent voir leur consommation satisfaite. »

Pavillons de complaisance et sénégalisation de bateaux étrangers

Après une importante mobilisation des pêcheurs et de leurs organisations, en pleines négociations de renouvellement des APP, le gouvernement sénégalais a été contraint d’interdire aux navires de l’UE de pêcher dans ses eaux territoriales. Mais pour s’assurer l’accès aux eaux sénégalaises, il existe un moyen moins risqué que la pêche pirate, et plus rapide que de longues négociations internationales : la constitution d’une société mixte de droit sénégalais. Un associé sénégalais, soi-disant majoritaire, enregistre l’entreprise au Sénégal, alors qu’il n’est en fait qu’un employé de son partenaire étranger. Celui-ci le rétribue et « distribue également des pots de vin à tous ces "complices" qui ont permis l’établissement de cette société mixte », résume une étude de la Coordination pour des accords de pêche équitable [3].

Le nombre de sociétés mixtes a explosé dans les années 1990, lorsque le régime des « sociétés mixtes subventionnées » a été introduit dans le cadre des échanges entre pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) et l’Union européenne… par l’UE elle-même. Ce régime permet d’octroyer une subvention aux armateurs européens qui transféraient « définitivement » leur navire vers un pays tiers en créant des sociétés mixtes avec des ressortissants de ce même pays, tout en renonçant– pour le navire concerné – à leurs droits de pêche dans les eaux européennes. Les bénéficiaires de cette aide au transfert s’engagent à approvisionner prioritairement le marché européen. Le Sénégal connaît aujourd’hui une explosion de société mixtes : 11 sociétés mixtes espagno-sénégalaises, avec 29 chalutiers ; 3 sociétés franco-sénégalaises, avec 24 chalutiers ; 2 sociétés italo-sénégalaises, avec 7 chalutiers ; au moins 1 société sino-sénégalaise, avec 26 chalutiers ; 1 société gréco-sénégalaise avec 2 chalutiers ; et au moins 1 société coréo-sénégalaise, 1 turco-sénégalaise, 1 américano-sénégalaise

Des sociétés écrans exemptées de droits de douane

Ces sociétés-écrans ne sont soumises qu’aux contraintes nationales. Autrement dit, à aucune contrainte. Les côtes africaines deviennent une sorte de buffet en self-service. Au-delà des eaux territoriales sénégalaises, les étrangers peuvent pêcher dans les eaux de toute la sous-région (Mauritanie, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Sierra Léone), voire de toute l’Afrique. En octobre 2008, c’est de l’autre côté de l’Afrique, à près de 8.000 km des côté sénégalaises que le chalutier El Amine (appartenant une société mixte espagnole « sénégalisée ») a été arraisonné dans les eaux de Madagascar… pour pêche illicite.

Les avantages de ces sociétés au pavillon de complaisance ne s’arrêtent pas là. Elles profitent au maximum du principe central de la globalisation financière : toujours moins d’impôt. La Convention de Lomé autorise les produits halieutiques des pays ACP à pénétrer le marché européen sans droits de douane. Ces sociétés mixtes ont également bénéficié d’exonérations de taxes par le gouvernement sénégalais [4]. Pendant ce temps, les entreprises réellement sénégalaises, regroupées notamment au sein de la de Fédération Nationale des GIE de pêche, périclitent et licencient. Depuis 2001, les acteurs de la pêche au Sénégal demandent en vain un audit de ces sociétés mixtes. Les grosses sardines du gouvernement sénégalais font la sourde oreille.

Paupérisation et angoisse existentielle

 

jeudi 8 mars 2012

le métier de pêcheur se transmet de père en fils à Joal. Naguère la fierté de cette communauté il est devenu un pis-aller consécutivement aux accords de pêche et autres autorisations qui ont permis aux bateaux européens et russes de surexploiter les ressources halieutiques et de détruire littéralement leurs moyens de subsistance.

Une longue rangée de petites pirogues ayant jeté l’ancre tout le long de la côte, juste à hauteur de l’embarcadère de Joal, campe le décor matinal habituel dans cette partie de la ville. Avec leurs tuniques imperméables soufflées par le vent, les dockers font des va-et-vient incessants entre les petites pirogues qui viennent de débarquer et les charrettes. Par des gestes mécaniques ils déversent leurs caisses pleines de sardinelles dans le ventre des charrettes garées devant la plage. Une énorme débauche de travail que même le froid « glacial » ne semble pouvoir freiner. 

La communauté de pêcheurs est unanime sur la diminution drastique du stock de poissons et des espèces. Ils soulignent le danger qui pèse, si ce n’est déjà effectif, sur leurs moyens de subsistance. En effet, le poisson est un maillon essentiel dans l’alimentation des populations. « Les petits pélagiques représentent 72% des ressources » rappelle le docteur vétérinaire et océanologue Sogui Diouf au cours de la conférence organisée jeudi dernier par Greenpeace au port de Dakar. Il ajoute que « les Sénégalais consomment beaucoup de poissons : 28 % par tête d’habitant à l’intérieur du pays et 43 % dans les zones côtières ». Aussi le poisson représente-il la première source de protéine animale.

De manière délibérée, on installe ainsi à travers des accords de pêche les pêcheurs et par ricochet la population dans une privation des besoins vitaux. L’enjeu n’est plus ni moins que la sécurité alimentaire. Une situation menacée par la surpêche des gros vaisseaux russes qui ont presque raclé le fond des océans et sérieusement mis en danger tout l’écosystème selon Abdou Karim Sall, président des jeunes pêcheurs et président des aires marines de l’Afrique de l’Ouest. Pêcheur de son état Karim est dans le mouvement associatif autour des activités de pêche depuis 20 ans.  Il dresse un bilan accablant de cette surpêche dont il impute la responsabilité au gouvernement qui « fait des deals » sur le dos des pêcheurs et des populations. Ils assimilent les accords de pêche à « des deals illégaux » entre des ministres et des tierces personnes sous la protection bienveillante du chef de l’Etat.

La sécurité alimentaire en jeu

Pour le vieux pêcheur Ablaye Sow, avec ses cheveux grisonnants, témoin d’une époque révolue, c’est le monde qui s’effondre sous ses yeux.  « Les gros navires ont réduit drastiquement les ressources halieutiques. C’est pourquoi il est très difficile de trouver du poisson de qualité. Même la crevette est devenue introuvable. Pour trouver du bon poisson, nous devons aller jusqu’aux côtes de la Guinée Bissau » dit-il avec beaucoup de regret. Les poissons qui sont déchargés des petites pirogues et les étals de poissons qui jonchent la côte et le quai de pêche parlent plus éloquemment de la raréfaction des stocks de poissons. Les sardinelles sont presque la seule espèce visible, à quelques exceptions près. Le fameux thiof est presque introuvable d’où son prix quasiment inaccessible pour les bourses moyennes. Ironie du sort, il est exporté et reprend la destination d’où proviennent les mêmes bateaux qui « pillent » avec une agressivité inouïe les ressources halieutiques.

Destruction des moyens de subsistance des pêcheurs

Assistant impuissant à leur vie qui se brise, les jeunes pêcheurs empruntent parfois la voie de l’émigration. Aliou Faye dans sa maison inachevée où il vit avec une famille de 10 personnes a déjà tenté l’aventure. Des fissures dans sa pirogue l’ont obligé à la hauteur des eaux territoriales du Maroc à chercher secours auprès des bateaux qui naviguaient aux alentours. « Après avoir tenté sans succès d’aller en Espagne, je n’ai plus le choix si ce n’est de retourner en mer en tant que pêcheur. Je parviens à peine à nourrir ma famille avec ce que je gagne ». Au-delà de la dimension donc de sécurité alimentaire les enjeux économiques et sociaux sont considérables. La pêche contribue à hauteur de 1,7 % au Pib. A titre de compensation financière directe, le secteur de la pêche a généré entre 2002 et 2006, 44 milliards de FCFA de recettes en vertu des accords de pêche entre le Sénégal et l’Union européenne

Dévoré d’anxiété, le jeune pêcheur Ahmed Wade vit dans sa chair les conséquences de cette surexploitation des ressources halieutiques. « Nos problèmes sont liés à la raréfaction des stocks de poissons en raison de l’impact négatif de la présence des bateaux européens. La vie est difficile maintenant. Nous sommes devenus des pauvres. Dans le passé, on pouvait nourrir toute la grande famille. Autrefois, on pouvait pêcher à quelque 300 mètres d’ici de grandes quantités. Mais maintenant nous passons des nuits dans la mer pour ne rapporter que des quantités 10 fois inférieures ». Il ajoute : « Même la sardinelle est devenue maintenant très prisée et plus rare et par conséquent plus chère. Le prix d’une seule sardinelle peut aller jusqu’à 200 ou 300 Fcfa. Il y a 10 ans, il ne passait dans l’esprit d’un pêcheur l’idée de manger des sardinelles. On les rejetait dans la mer ».

A Mbour aussi, les effets sociaux et économiques touchent de plein fouet les acteurs de la pêche comme Aida Diop une mareyeuse. Actuellement au chômage elle a dû quitter sa propre maison pour rejoindre celle de son père. Fille de pêcheur, elle avait abandonné les études en classe de Bfem pour adopter le métier de mareyeuse qui après des années de prospérité s’est transformé en cauchemar. Depuis des années, elle n’arrive plus à poser une seule brique de plus dans sa maison en chantier à Mbour.  « Seul un changement à la tête de l’Etat peut nous garantir un avenir meilleur » affirme-t-elle. Un optimisme que ne partage pas le pêcheur Gaoussou Guèye qui pense que « les candidats à la présidentielle méconnaissent la situation de la pêche ».

En attendant, la paupérisation a gagné du terrain parmi les pêcheurs et se traduit par une angoisse existentielle qui se lit sur les visages et les propos.

Aliou NIANE

Au Sénégal, les pêcheurs sont soulagés après l'annulation des licences des chalutiers étrangers

 

Le gouvernement sénégalais a annoncé le lundi 30 avril 2012 l’annulation des autorisations de pêche accordées jusqu'à maintenant à 29 chalutiers étrangers. Ces deux dernières années, le précédent gouvernement avait conclu des accords permettant à des bateaux européens de pêcher moyennant 15 dollars la tonne de poisson. Les pêcheurs s’étaient vivement opposés à cette mesure qui menaçait leur activité. Aujourd’hui, ils se sentent soulagés.

Revendication - Accords de pêche Sénégal/Union européenne : Les pêcheurs artisanaux demandent l’arrêt

 Du fait de la rareté de la ressource halieutique, le collectif national des pêcheurs artisanaux du Sénégal demande l’arrêt pur et simple des accords de pêche entre le Sénégal et l’Europe.  

 

C’est un paquet de doléances que le collectif national des pêcheurs artisanaux du Sénégal a fait part, hier, à la presse. Selon Abdoulaye Guèye Diop, président dudit collectif, la ressource halieutique s’est raréfiée. D’où l’appel lancé au nouveau régime d’arrêter les accords de pêche signés entre le Sénégal et l’Union européenne. Selon lui, ces accords ont fini par vider nos eaux de ses ressources qui, du coup, ont eu des répercussions néfastes sur le secteur de la pêche artisanale. «La ressource ne suffit plus aux Sénégalais, il faut qu’on arrête ces accords», a-t-il fait savoir. Tout en saluant le geste des nouvelles autorités qui ont mis fin aux autorisations de pêches délivrées par l’ancien régime aux navires étrangers, le collectif souligne néanmoins l’existence de bateaux pilleurs dans nos eaux. «Nous avons des preuves comme quoi des bateaux sont toujours là. Nous demandons à ce que la surveillance soit déployée», précise Abdoulaye Guèye Diop. D’ailleurs, dans ce sens, ils exigent plus de transparence dans le processus d’attribution des licences de pêche, avec la publication de la liste des bateaux nationaux et étrangers opérant dans nos eaux.

Le collectif demande aussi au nouveau régime, la révision des accords de pêche avec, d’une part, la Mauritanie et d’autre part, la Guinée-Bissau. En effet, précise le président, «Avec la Mauritanie, les accords qui nous lient ne portent que sur la sardinelle (Yaaboye) et il nous est très difficile de continuer. Nous voulons une diversité des ressources». Pour le cas de la Guinée-Bissau, il déplore la flambée du prix de la licence accordée qui avoisine aujourd’hui 1,2 million de francs Cfa. En outre, les pêcheurs artisanaux demandent la réduction du coût de l’essence mais aussi du matériel de pêche comme les machines hors-bord. Sur ce dernier point, ils ont demandé à ce que le monopole, que détient Cfao sur les machines Yamaha, soit cassé. Ils exigent à cet effet le retour des centrales d’achat.   Soulignant la participation de leur secteur dans la création de richesses pour l’Etat, le collectif exprime sa déception et son inquiétude depuis le changement de régime. C’est pourquoi, il demande une participation plus active à travers ses différentes organisations avec la mise en place d’un cadre de concertation avec le ministère de tutelle.

Charles Malick SARR

Sénégal: Pêche - Les acteurs locaux crachent sur les accords avec l'UE

Quelques mois après avoir suspendu 29 autorisations de pêche, le gouvernement songe déjà à négocier avec l’Union européenne sur les accords de pêche suspendus depuis 2006. Un projet que dénoncent les acteurs locaux de la pêche qui estiment que le contexte n’y est pas favorable et que les critères ne sont pas réunis.

Le Sénégal et l’Union européenne vont très prochainement se retrouver pour négocier sur les accords de pêche suspendus depuis 2006. Ces derniers consistent en une délivrance de quotas pour un nombre de navires ciblés et sur des espèces, contre une contribution financière établie sur un nombre d’années et versée par tranche. Mais, si ces accords sont très attendus au niveau du Trésor public grâce aux ressources financières qu’ils génèrent pour notre pays, ils ne rencontrent pas l’assentiment des acteurs de la pêche aussi bien artisanale qu’industrielle. Pour eux, il serait impensable de discuter des accords de pêche avec l’Ue dans ce contexte où les critères ne sont pas respectés.

 « Le Sénégal n’est pas prêt pour signer un accord de pêche malgré les pressions européennes, relevant des politiques communes de pêche, interprété comme une privatisation de la mer. N’étant pas dans les conditions de satisfaire la sécurité alimentaire de nos populations et d’assurer la réglementation et l’aménagement de nos pêcheries, nous ne sommes pas qualifiés à une négociation d’accords de pêche », dit Mamadou Diop Thioune, leader de la plateforme pêche écologie Green&marines-Africa.

Ce dernier pense, en effet, que l’Etat doit préserver la ressource pour les générations futures et relancer l’économie maritime à partir d’une flotte nationale . « Nous n’allons pas accepter de nourrir l’Europe quelles que soient les contraintes qui pèsent sur sa population après l’effondrement de leurs stocks. Aujourd’hui, avec 88 % d’effondrement des stocks en Europe, il ne reste que le transfert des possibilités de pêche en Afrique pour satisfaire la consommation des pays de l’inter-land et des consommateurs des façades maritimes. Les pays africains doivent avoir une approche régionale pour négocier le partenariat en lieu et place des négociations pays par pays », poursuit Diop.

Même son de cloche du côté du Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (Gaipes). Son secrétaire général, Dougoutigui Coulibaly, que nous avons joint par téléphone, estime que de tels accords seraient insensé. « Le gouvernement ne peut pas signer des accords sur les pélagiques qui constituent la base des besoins en protéine animale pour les populations. Signer des accords sur cette espèce, c’est hypothéquer la sécurité alimentaire des Sénégalais », dit Coulibaly. Non sans signaler que ce qui intéresse principalement les Européennes, ce sont les ressources démersales côtières et profondes. Et là, précise-t-il pour les démersales côtières, l’Etat a gelé l’octroi de licences aussi bien pour les nationaux que pour les étrangers depuis 2006.

Quant aux espèces démersales profondes, avec notamment la crevette, Coulibaly s’étonnerait de voir l’Etat donner des licences à l’Ue. 

On va discuter et la signature d’accords dépendra des avantages qu’on va tirer de l’offre », dit Moustapha Thiam, directeur des pêches maritimes.

Source : Walfadjri

Promotion de la pêche et de l’aquaculture en Afrique : Les acteurs veulent mettre en place une Alliance panafricaine

L’Afrique perd entre 2 et 5 milliards de dollars chaque année en raison de la mauvaise gestion du secteur de la pêche. Ainsi, l’Union africaine (Ua), à travers l’Agence du Nepad et de l’Ua-Bira, a lancé un processus pour élaborer un cadre de politique pour la gouvernance des pêcheries sur le continent. Il a été adopté le 30 avril 2014 à Addis-Abeba.

Les acteurs de la pêche venus de tous les pays d’Afrique, mais aussi d’Angleterre et des Etats-Unis, ont participé au forum sur la pêche et l’aquaculture tenu les 26 et 27 juin à Dakar. L’objectif de cette rencontre est de permettre aux acteurs non étatiques intervenant dans la pêche et l’aquaculture en Afrique, d’apporter des contributions concrètes. « Les réformes initiées par l’Union africaine et ses bras techniques, à savoir le Bureau internationale des ressources animales (Bira) et l’Agence du Nepad, suscitent un énorme espoir pour inscrire définitivement et durablement les secteurs halieutiques en Afrique dans une perspective nouvelle de gouvernance», a expliqué Papa Gora Ndiaye, secrétaire exécutif du Réseau sur les politiques de Pêche en Afrique de l’Ouest (Repao). Selon M. Ndiaye, ces réformes permettraient aux populations africaines de profiter durablement des énormes potentialités en ressources halieutiques dont dispose le continent. « Cette alliance est un outil qui permet de contribuer, d’une part, au renforcement et à la consolidation du dialogue entre les organisations de la société civile africaine évoluant dans les secteurs halieutiques, et d’autres part, entre la société civile et les autres acteurs à savoir les autorités publiques, organismes internationaux, entre autres», a-t-il ajouté.

L’exploitation des produits de la pêche, apporte des devises pour certaines économies nationales. Elle constitue un levier important d’impulsion à la croissance économique, mesurée par le Produit intérieur brut (Pib). C’est le constat qu’a fait Omar Ndiaye, secrétaire général du ministère de la Pêche et des Affaires maritimes. Le représentant du ministre Haïdar El Aly a dit que les performances des secteurs halieutiques sont menacées depuis plus d’une décennie par une raréfaction de la ressource, une dégradation des habitats et une pollution des eaux côtières et marines. «Cette situation demeure la conséquence de plusieurs facteurs dont la mauvaise gouvernance des pêches, l’incohérence des politiques, la pêche illégale, non réglementée et non déclarée (Inn), etc.», a estimé Omar Ndiaye. Il a aussi soutenu que la réussite des réformes politiques de pêche et d’aquaculture ne saurait être effective sans une participation réelle et dynamique des acteurs non étatiques. Et surtout des communautés de pêche et d’aquaculture artisanales, très fortement dépendantes des ressources halieutiques pour assurer leurs moyens d’existence.

Par rapport à la raréfaction des ressources halieutiques, le président de l’Association des pécheurs du Niger (Apn), Moussa Adamou Farie, a souligné que dans son pays, la pêche ne nourrit plus son homme. «La pêche ne marche plus au Niger. Les pêcheurs manquent de moyens et les poissons deviennent de plus en plus rares. On peut passer une nuit au fleuve sans rien apporter», a-t-il dit. Les acteurs de la pêche cherchent également à élaborer et à rendre publics des plans d’action visant à favoriser l’engagement des organismes internationales.